
Une entreprise établie, c’est celle qui existe depuis des années, parfois des décennies. Elle a ses clients fidèles, ses habitudes, ses processus rodés. Face à elle arrivent régulièrement de nouveaux concurrents, plus petits certes mais plus agiles, avec des idées fraîches et moins de contraintes. L’ancienneté apporte la solidité financière, la reconnaissance de marque, l’expérience des erreurs passées.
Mais elle peut aussi créer une rigidité dangereuse, une difficulté à voir que le monde change. Les nouveaux venus, eux, partent de zéro mais peuvent tester des approches impossibles pour une grosse structure. Comment une entreprise installée peut-elle conserver sa place… sans devenir un dinosaure ?
L’exemple des casinos en ligne face aux nouvelles plateformes
Le secteur des casinos en ligne illustre assez bien cette dualité entre opérateurs pionniers et nouveaux aux dents longues. Quand on parle de pionniers, on fait référence aux opérateurs qui se sont lancés entre 2000 et 2005. Ils ont creusé leur sillon à une époque où tout était à inventer. Premières licences, premiers logiciels fiables, et marketing pour convaincre des joueurs méfiants de mettre leur carte bancaire sur internet !
Vingt ans plus tard, ces marques capitalisent sur une reconnaissance mondiale, de bases de données de millions de joueurs, de licences dans des dizaines de pays. Mais depuis 2020, une nouvelle génération de casinos bouleverse les codes. Les “crypto-casinos” permettent de jouer avec des devises numériques comme Bitcoin ou Ethereum, offrant l’anonymat et des transactions instantanées. On connecte son portefeuille crypto et on joue immédiatement.
D’autres plateformes misent sur l’aspect social : on joue en groupe, on partage ses gains sur des feeds comme Instagram, on suit des influenceurs qui streament leurs parties, etc. Certains nouveaux venus expérimentent avec la réalité virtuelle, faisant du casino en ligne une expérience où l’on se promène virtuellement entre les tables.
Un marché devenu tellement riche, que vous aurez besoin de ressources spécialisées pour naviguer et reconnaître les bons opérateurs (nouveaux comme pionniers). Vous pouvez commencer par le classement par Casinobeats par exemple, une référence actualisée régulièrement à destination des joueurs à la recherche d’opérateurs sérieux, crédités d’une bonne réputation et offrant d’excellentes conditions de jeu.
La force des acteurs établis reste leur crédibilité. Quand un joueur hésite entre un nouveau crypto-casino sans historique et un ancien qui accepte aussi les cryptos, la réputation joue beaucoup. Les casinos historiques utilisent leur capital confiance accumulé pendant dix ans tout en intégrant progressivement les innovations qui fonctionnent. Ils laissent les nouveaux venus “prendre les risques” comme on dit, puis adoptent ce qui marche en l’adaptant à leur clientèle existante.
Reconnaître ses vraies forces (et ses vraies faiblesses)
Toute entreprise établie possède des atouts qu’elle a tendance à perdre de vue et à mal mobiliser. C’est une constante surprenante, et dans tous les secteurs ! Des forces réelles mais sous-exploitées comme un réseau de distribution construit pendant des décennies, des brevets mobilisés trop tard, une expertise technique que personne d’autre ne possède, la confiance instinctive des consommateurs, etc.
Caddie, le redressement judiciaire de trop
La liquidation judiciaire de Caddie est tragique, surtout parce qu’elle était évitable. L’emblématique fabrique alsacienne a inventé le chariot de supermarché en 1928, un objet devenu tellement banal qu’on en oublie qu’il a fallu l’inventer. Pendant quatre-vingt-dix ans, Caddie a dominé le marché mondial, ses chariots équipant des milliers de magasins de Walmart à Auchan. L’entreprise avait tout :
- L’expertise métallurgique,
- Les brevets,
- La reconnaissance internationale,
- Les contrats avec toutes les grandes enseignes.
Mais, pour simplifier, elle s’est trop concentrée sur une chose : fabriquer des chariots. Alors que les modes de consommation ont changé : les drives où l’on ne pousse plus de chariot, les livraisons à domicile, les petites surfaces de proximité avec des paniers, etc. Mais Caddie a continué à perfectionner ses chariots.
L’entreprise a investi dans des roues plus silencieuses… alors que les clients commandaient sur internet. Elle a développé des chariots connectés alors que les magasins fermaient. En 2024, après plusieurs redressements judiciaires, Caddie est liquidée. L’entreprise n’a jamais su identifier que sa vraie force n’était pas le chariot mais l’expertise en solutions de transport pour le commerce.
La Redoute, du tout-papier au digital
À l’opposé, La Redoute a donné des pistes sur comment une entreprise peut se réinventer en comprenant son ADN profond. Créée en 1837 comme filature, devenue vendeur par correspondance en 1928 avec ses fameux catalogues papier, l’entreprise semblait condamnée par internet. Amazon et les pure players allaient forcément tuer ce dinosaure du catalogue.
Mais La Redoute a visiblement compris que sa force n’était pas le papier… mais la vente à distance, la logistique, la capacité à présenter des produits sans magasin physique. Ces compétences, développées pendant un siècle avec les catalogues, étaient parfaitement transposables au digital. Bien entendu, la transformation n’a pas été simple ni immédiate.
Il a fallu fermer l’imprimerie, licencier, repenser tous les processus, accepter la reprise par les Galeries Lafayette, faire focus sur l’Italie et la Suisse, la déco maison, etc. Au lieu de s’accrocher au catalogue ou de partir de zéro sur internet, La Redoute a transféré son savoir-faire. Aujourd’hui, La Redoute est l’un des leaders français du e-commerce, rentable et en croissance.
La différence entre Caddie et La Redoute tient à cette capacité d’analyse :
- Qu’est-ce qui, dans notre activité, reste pertinent ?
- Qu’est-ce qui est dépassé ?
Caddie s’est défini par son produit (le chariot), La Redoute par sa fonction (vendre à distance). Cette distinction peut sembler un poil trop évidente, mais elle fait la différence entre la survie et la disparition.
Adopter la bonne vitesse de changement
Ensuite, il y a une étape plus difficile pour une entreprise établie dans le changement : choisir le bon rythme pour se transformer :
- Retourner la table trop vite, on perd ses clients fidèles et on brûle sa trésorerie.
- Trop lentement, on se fait dépasser !
Il y a donc une tension à gérer entre urgence et prudence. Cela paralyse beaucoup d’entreprises, parce qu’elles hésitent / oscillent entre immobilisme et précipitation.
Decathlon, supprimer une trentaine de marques et s’attaquer à Adidas
Decathlon offre un exemple remarquable d’adaptation face à la crise du commerce traditionnel. L’enseigne aurait pu paniquer devant Amazon, fermer des magasins, tout miser sur le web. Au lieu de cela, elle a d’abord recentré son activité, en passant de 50 à 12 marques.
Une coupe sombre pour simplifier son portefeuille autour de marques bien installées : Quechua, Domyos, Tribord, Btwin, Kipsta, Inesis, Caperlan, Solognac, Van Rysel, Kiprun, Simond + la marque Decathlon elle-même, renforcée. La tendance évidente est donc de ne travailler que sur quatre secteurs identifiés pour leur forte croissance : la randonnée, les mobilités douces, le fitness et le bien-être. Finies, les marques trop exotiques et éloignées du cœur de métier : Artengo, Wedze, Elops, Olayan, Fouganza, Nyamba, Sandever, etc.
Casino, sauvé de la faillite mais pas de la confusion
Casino représente un peu l’exact opposé de Decathlon. Face à la concurrence d’Amazon et des hard-discounters, l’enseigne avait tout tenté simultanément :
- Drives pour concurrencer Leclerc,
- Magasins bio pour suivre la tendance initiée par Grand Frais,
- Proximité urbaine contre les grandes surfaces,
- Discount pour affronter Lidl,
- Etc.
Chaque direction semblait logique individuellement… mais l’ensemble créait une confusion totale. Les investissements se dispersaient, les équipes ne savaient plus quelle stratégie suivre, les clients ne comprenaient plus l’identité de l’enseigne.
Résultat : un endettement massif, et surtout la vente des bijoux de famille (les murs des magasins, la filiale Monoprix). En 2023, après plan social sur plan social, Casino frôle la faillite et doit être restructuré en urgence, finalement repris par un trio d’investisseurs. L’entreprise centenaire, qui avait inventé le libre-service en France, disparaît pratiquement du paysage. La leçon est claire : vouloir tout changer en même temps revient souvent à tout perdre.

